>>Des "races" humaines ?

18 septembre 2019
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Yves GILLE - Me contacter

Nathalie Delaleeuwe a écrit :

Bonjour,

Question naïve. Mais je sais qu’on parle parfois en médecine de maladies
qui touchent plutôt certains groupes ethniques que d’autres. mais
peut-on parler de race ? A quoi sont dues ces différences entre des
groupes de population différentes ? Est-ce une question de "race" ?? (par
ailleurs on nous répète depuis plusieurs années - et c’est une bonne
chose - que les races n’existent pas surtout sur le plan génétique)
Question naïve, je vous disais. Des idées ?

Nathalie

Inutile de dire que la question n’est pas simple car largement brouillée
par une masse de notions plus politiques - ou plutôt démagogiques - que
scientifiques et objectives !

Je vais essayer d’écrire brièvement ce qu’il me semble qu’on puisse penser, d’un point de vue scientifique, aujourd’hui. Ceci sans m’encombrer de politiquement correct ni de ronds de jambe... mais je pense que chacun y est habitué, en ce qui me concerne !

La notion d’espèce se caractérise, dans le cas qui nous intéresse, par le fait (dans 99,99 % des cas) que
tous les individus d’une espèce donnée sont interféconds donc aptes à
créer une descendance.

Le mot de race peut être considéré comme synonyme de sous espèce ou de bio-var ou bivariant : ce sont des groupes d’individus qui, sélectionnés naturellement (isolement géographique, pression du milieu...) ou artificiellement (animaux d’élevage), présentent des caractères particuliers, différents de l’espèce d’origine. C’est assez évident pour les races de chiens, chats ou bovins. C’est bien sûr aussi le cas pour Homo sapiens : la race blanche ou jaune sont des bio-vars de la race d’origine noire (pour ce qu’on considère aujourd’hui) . L’isolement géographique est évident. La pression du milieu fut le manque d’ensoleillement (certains groupes, retrouvant un fort ensoleillement, on probablement re-noircis ultérieurement : sud de l’Inde).
Plus étrange mais montrant bien que ce n’est pas un phénomène brusque mais une sélection progressive pouvant aller très loin : il est probable que les Homo sapiens neandertalis (disparus aujourd’hui) et Homo sapiens sapiens (nous tous) qui furent une même espèce (sapiens) vivant au proche orient étaient bien interféconds. Inversement, ces deux sous espèces vivant en Europe de l’ouest ne l’étaient probablement plus : le temps (plusieurs dizaines de millénaires) qui a séparé les migrations de chaque groupe jusqu’en Europe de l’Ouest (donc impossibilité de croisements) ont été tels que les dérives génétiques de neandertalis les ont rendu "incompatibles" avec sapiens ! Les chromosomes sont devenus trop différents pour pouvoir s’appareiller. Là, les bio-vars ont dérivés l’un par rapport à l’autre jusqu’à être deux espèces différentes... en un lieu donné !
Il faut donc concevoir que les choses ne sont pas figées mais que ce
sont de perpétuels glissements (mutations génétique après mutation
génétique, "conservées" car plus favorables dans le milieu donné) et que toutes ces notions sont plus
quantitatives que qualitatives contrairement à ce qu’on pense
souvent.... Bon, j’espère avoir été clair !

Chez l’homme actuel il est évident que c’est une seule et même espèce,
indiscutablement inter féconde.
Il me semble tout aussi indiscutable que des groupes ont des
caractéristiques, soit physiquement évidentes (couleur de peau, de
poils, taille moyenne...), soit moins évidentes (groupes sanguins,
groupes HLA...), soit mentales (goût du jeu donc du risque, goût et capacité à se
projeter dans le futur, aptitudes mécaniques, musicales...) qui les
distinguent en moyenne d’autres groupes. Si ces caractères sont
hautement fréquents et stables dans le groupe, il est parfaitement
logique de parler de race même si le politiquement correct (qui a la
vertu de tout brouiller, de tout rendre confus... mais in fine de ne protéger
personne) préférera bio-variant ou bien quelque néologisme du même genre jusqu’au stupide (et blessant pour des aveugles) "non voyant"
(car ce n’est plus bien vu (!) d’être aveugle, semble-t-il). Il me semble pourtant
qu’on est peu gêné de parler de race pygmée par rapport aux races de
brousse de près de 2 m. D’ailleurs, par exemple, la "race"
juive revendique son caractère de "race élue", ce qui semble loin du
complexe d’infériorité. Et pourtant, elle, est bien loin d’être restée
une race si tant est qu’elle le fut jamais.

Donc : oui, une race est caractérisée par un certain nombre de gènes que portent un certain nombre d’individus. Si la race existe bien chez
nombre d’espèces animales, elle peut parfaitement exister chez
l’homme... au moins en théorie... car les mélanges y sont évidement bien
plus fréquents et intenses que chez des races animales, sélectionnées
artificiellement ou même naturellement (chevaux d’Asie centrale et
chevaux arabes...). Et pourtant, les essai de sélection ont existé : la
grande race arienne d’Hitler (qui a donné une descendance,
essentiellement composée de débiles, et s’est donc rapidement
éteinte !) ou l’élimination des "impures" (mentaux, dans ce cas) par la guillotine ou les grandes purges staliniennes.
Ce n’est pas la notion de race qui est "pathologique" , c’est ce qu’on en a fait : race supérieure, inférieure (intermédiaire donc ?!!). Oui, on peut
dire qu’une race est supérieure sur un point : qui contestera que les
Éthiopiens sont, en moyenne, supérieurs pour le marathon aux pygmées et que ces derniers sont plus aptes à résister à un climat chaud et humide que les premiers ? que les Sherpas sont meilleurs pour la marche en montagne que les Fidjiens ?... Que les Norvégiennes sont plus blondes que les Napolitaines (on peut préférer les blondes ! Est-ce une supériorité ?!) ? Mais qui peut et oserait dire laquelle de ces races est objectivement "supérieure" "en général" ?

Donc, last but not least : oui, les différences entre populations sont
très souvent - presque toujours - liées à des gènes différents, sélectionnés dans cette population, naturellement, pour s’adapter au mieux à des circonstances locales. La nature génétique de cette différence n’est pas une constante : le simple entrainement à une activité, à l’hostilité d’un milieu, peut rendre plus résistant : l’infarctus du myocarde et autres maladies vasculaires, sont bien plus rares dans les populations peu nourries et soumises à un travail physique important et permanent. Ils évitent dans ce cas, simplement, deux facteurs de risque : manque d’activité et suralimentation.
On peut même observer l’inverse, génétiquement, de ce qu’on observe comme phénotype [1] : on a découvert le "régime crétois" en constatant que la fréquence des infarctus du myocarde et plus généralement les athéromes vasculaires était moindre en Crête que dans des populations occidentales "moyennes". Ce régime déborde largement la Crête et on pourrait le qualifier plus largement de "régime méditerranéen". Or, les populations installées depuis de nombreuses générations dans ces régions semblent plus sensibles aux accidents athéromateux, lorsqu’elles consomment un régime "banal", que la moyenne occidentale ! Elles n’ont donc, non seulement, peu de résistance génétique aux accidents vasculaires, mais, pire, une plus grande sensibilité. Ceci est parfaitement normal : les moyens métaboliques (largement génétiques) permettant de résister à la toxicité relative des alimentations potentiellement athéromateuses ont été nécessairement sélectionnés dans les populations qui les rencontrent quotidiennement et pas du tout chez les méditerranéens.
Il en est probablement de même chez les noirs Africains vis-à-vis de l’hypertension artérielle : vivant souvent dans des régions pauvres en sel, elles en consommaient peu. L’ouverture aux régimes occidentaux a brusquement augmenté la consommation de sel sans que génétiquement il y ait les moyens de compensation et les hypertensions sont devenues fréquentes.

Désolé d’avoir été si long !
Yves.

(1er version juillet 2010)


notes

[1le phénotype est l’état d’un caractère observable (caractère anatomique, morphologique, moléculaire, physiologique, ou éthologique) chez un organisme vivant. Le phénotype est l’ensemble des caractères observables d’un individu (http://fr.wikipedia.org/wiki/Phénotype)



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